Le soin psychique et plus généralement le soin en psychiatrie manque de visibilité. En effet, La psychiatrie connait un déficit d’images sur le cœur de ses activités.
Ce constat est majoré par des représentations sociales défavorables chez le public et les professionnels de santé. Ces représentations favorisent à leur tour une internalisation de la stigmatisation chez nombre de patients, avec leurs effets négatifs de dévalorisation, notamment le retard à l’accès aux soins.
Le fond commun de ces représentations stéréotypées est également véhiculé par les médias qui assurent de ce fait leur pérennité. Nous remarquons à ce propos que le champ lexical utilisé (référence à l’asile, à la démence, etc.) nous renseigne plus sur l’état des représentations du commentateur ou du présentateur qu’il ne renseigne sur la réalité décrite. Cette prévalence des représentations stéréotypées est objectivée lors d’une recherche citée par Marc Oeyhausen. Celle-ci fut effectuée à partir du moteur de recherche « Lexis Nexis® » et releva de manière longitudinale sur 12 mois auprès de sept journaux nationaux les articles consacrés à la psychiatrie : « On trouve [...] 52 articles qui ont utilisé les mots clés "psychiatrie" et "violence", 48 articles "psychiatrie" et "danger". Dans le même temps, seulement 12 articles ont évoqué dans un même sujet les termes "psychiatrie" et "logement", 3 ont parlé de "psychiatrie" et "rétablissement". Pour le terme "maladie mentale", les résultats sont équivalents». La question de la psychiatrie est abordé essentiellement sous l’angle du sensationnalisme ou par la porte étroite de la contrainte.
La question qui nous intéresse devient alors, quelle visibilité pour l’ordinaire, le quotidien du soin en psychiatrie ?
Le travail de Mme Legoupi permet de répondre en partie à cette question. Son regard photographique, favorisé par une immersion sur ses terrains de reportage, se traduit par la mise en image de ses gestes « invisibles » du quotidien, ces attentions, ces postures, ses actions riches de significations sociales et humaines. Fortes de la densité relationnelle issue de ces situations de soins, les réalisations de S. Legoupi permettent de fixer les qualités de présence et de co présences patients soignants. Son regard est toujours bienveillant, aussi bien en direction des professionnels que des patients.
Dans le regard de cette artiste, le travail de soin « informel », l’activité au quotidien gagne enfin sa part de mise en visibilité. Ces situations du prendre soin peuvent ainsi dégager leur puissance d’évocation et témoigner de la profondeur de leur singularité et de leur humanité.
